Réserves naturelles

Reconnaissance de l’intérêt du classement de zone humides

Le juge a confirmé la légalité du décret du 2 juillet 1999 portant création de la réserve naturelle de la baie de l’Ai- guillon, qui présente de surcroît un intérêt justifiant un tel classement, compte tenu de la richesse des biotopes de vasières, marais et prés salés, et de la diversité de la faune, notamment aviaire migratoire.

CE, 19 mars 2003, n° 212029

Le décret du 21 février 2007 portant création de la réserve naturelle nationale marine de la Réunion a été confirmé. Le juge a estimé que les contraintes et limitations de certaines activités étaient proportionnées eu égard à la fragilité et à la richesse écologique des récifs coralliens ainsi protégés.

CE, 26 nov. 2008, n° 305872

Le décret du 4 décembre 2013 portant création de la réserve naturelle des îles du Haut-Rhône a été validé. Le juge estime que le site du Haut-Rhône, derniers vestiges des grands systèmes alluviaux fluviaux, présente, en dépit de la présence de divers équipements hydro-électriques, de travaux de dragage et de la persistance de certaines sources de pollution, une grande valeur écologique. La richesse de sa faune et de sa flore justifie donc, eu égard à la fragilité de cet écosystème, une protection renforcée face aux diverses menaces dont il est l’objet.

CE, 9 nov. 2015, n° 375209

Le décret portant extension et modification de la réserve nationale du banc d’Arguin - pour la majeure partie sur des zones marines, a été confirmé. L’extension des zones de protection renforcée est justifiée compte tenu de la fréquentation de celles-ci par de nombreuses espèces d’avifaune et de l’augmentation des dérangements humains.

CE, 3 juin 2020, n° 414018

Prise en compte de terrains périphériques au classement

Le juge a considéré que classement peut s’étendre à des terrains périphériques à ceux justifiant le classement : tel est le cas d’un classement en réserve (Tre Padule de Suartone, Corse) de mares temporaires, d’un ruisseau et de prairies humides, ainsi que plus largement, de terrains situés en périphérie immédiate des bassins-versants qui concourent à la protection de ces zones.

CE, 24 févr. 2003, n° 230263

De même, un décret modifiant le périmètre de la réserve naturelle du banc d’Arguin peut englober des zones marines où les oiseaux viennent en nombre pour stationner ou s’alimenter et prévoir des limites fixes et non fluctuantes en fonction des déplacements des bancs de sable pour permettre une application plus efficace de la réglementation.

CE, 3 juin 2020, n° 414018

Activités réglementées ou interdites

Le juge a confirmé le décret du 21 février 2007 portant création de la réserve marine de la Réunion. Ce clas- sement était justifié par la très grande richesse du biotope constitué par les récifs coralliens et la diversité de la faune qu’ils abritent. Les restrictions apportées à la pêche ne sont pas excessives : tout d’abord, bien que la superficie de la réserve soit importante (3 500 ha), celle-ci a été réduite de 35 % par rapport au projet d’origine, afin de tenir compte des intérêts des usagers. Ensuite, les interdictions de certaines activités (chasse, pêche, activités sportives...) ne portent que sur 197 ha et sont nécessaires à la préservation de l’intégrité du site et à la reconstitution des populations d’espèces concernées. Enfin, l’interdiction de la pêche ne vise que des modes d’exercice non sélectifs (explosifs, substances toxiques...).

CE, 26 nov. 2008, n° 305872

Un décret peut créer, au sein d’une réserve naturelle, des zones de protection renforcée, une telle possibilité étant prévue par l’article L. 332-3 du code de l’environnement. L’augmentation de la fréquentation humaine dans le périmètre de la réserve naturelle et ses effets sur l’avifaune justifient un accroissement de la surface des zones de protection intégrale afin de renforcer la quiétude de celle-ci, en particulier des sternes caugek, en lui garantissant une zone exempte de toute activité humaine pour s’alimenter, se reproduire et nicher. De même, dans ces zones, la pêche à pied, embarquée, en filet ou à la ligne peut être légalement interdite, dès lors que les prélèvements piscicoles des pêcheurs et les effets de la présence humaine sur les espaces émergés perturbent l’avifaune. Enfin, l’interdiction du mouillage la nuit et la limitation du mouillage le jour sont justifiées en raison des effets de la présence humaine sur l’avifaune, qui imposent d’assurer sa quiétude nocturne dans l’ensemble de la réserve, dès lors que ces espèces s’y reposent ou s’y reproduisent en tout point, et sa quiétude diurne dans certains espaces des zones de protection renforcée.

CE, 3 juin 2020, n° 414018

Un décret peut interdire, à l’intérieur d’une réserve, l’exercice de certaines activités sportives susceptibles de nuire au développement naturel de la faune et de la flore et, plus généralement, d’altérer le caractère de cette réserve. Ainsi, la pratique de l’escalade peut être interdite, dans la mesure où elle est susceptible d’affecter sen- siblement la végétation des parois rocheuses, les espèces qui y sont liées et l’avifaune. De plus les seuls sites de la réserve où cette activité pourrait être pratiquée constituent des biotopes très particuliers hébergeant des espèces endémiques ou très rares sur lesquelles pèsent différentes menaces. Enfin, la demande de modification du décret autorisant l’escalade vise un site, situé à proximité immédiate d’une zone humide sensible, très me- nacé par le risque de piétinement dans ses abords immédiats par les personnes rejoignant la zone de pratique de l’escalade.

CE, 5 mai 2021, n° 433553

Activités compatibles

Ne contreviennent pas au décret de création de la réserve naturelle de la baie de Somme - qui prévoit une in- terdiction de troubler ou de déranger les animaux par quelque moyen que ce soit - les dispositions d’un arrêté autorisant, sous certaines conditions, l’ouverture de la pêche à pied des coques. Il n’est pas établi que le non-res- pect d’une distance de 300 mètres par rapport aux reposoirs des phoques conduirait à troubler ou à déranger ces animaux, alors même que cette distance n’est prévue par aucun texte et que ce non-respect n’est pas établi par la carte produite et l’avis du directeur délégué du parc naturel marin qui indique que la zone d’exploitation du gisement n’infectera pas les reposoirs des phoques identifiés sur le secteur par ADN.

TA Rouen, 16 déc. 2021, n° 1904172

Annulation d’un projet

Une délibération approuvant une déclaration de projet portant sur l’aménagement d’un bassin d’aviron et de constructions attenantes sur un lac est annulée. D’une part, le juge considère que la délibération en date du 17 juillet 2015 étant postérieure à la création de la réserve naturelle régionale du lac d’Aiguebelette le 6 mars 2015, celle-ci était soumise à autorisation du conseil régional, autorisation qui n’a pas été demandée en l’espèce. D’autre part, les aménagements aquatiques liés aux bassins d’aviron s’implantent dans des zones de végétation lacustre avec destruction de celle-ci. Or, ces aménagements sont contraires au règlement de la réserve, car ils n’ont pas pour but d’assurer la sécurité des personnes pratiquant l’aviron, mais ont seulement pour but de permettre l’organisation de compétitions. Enfin, le juge ordonne la remise en état du site compris dans le péri- mètre de la réserve (la régularisation des constructions présentes hors réserve est actée) par la suppression de l’ensemble des aménagements réalisés directement sur et dans les eaux du lac.

En appel, le juge refuse néanmoins de prononcer la remise en état compte tenu d’une atteinte excessive à l’intérêt général. Il considère en effet que la remise en état du site implique le retrait des aménagements réalisés dans le périmètre de la réserve naturelle, dans un espace de végétation lacustre protégé et strictement enca- dré, notamment par le règlement de la réserve régionale. De plus, le bassin aménagé s’étend sur une surface d’environ 250 m² soit 0,005 % de la surface totale du lac. Enfin, selon les pièces du dossier et, notamment, de l’étude de faisabilité de l’opération de démontage du bassin de mars 2018, réalisée par un groupement de bu- reau d’études, les opérations de retrait des aménagements en cause, sont des opérations techniques lourdes, en raison notamment du poids des corps morts et de leur envasement, susceptibles d’emporter des modifications de cette partie du lac.

Ainsi, l’opération de démontage comporte des risques sanitaires sur la qualité de l’eau potable distribuée dans le secteur et sur la faune et la flore, en particulier sur les espèces végétales protégées que sont les « najas marina « et les « najas minor » qui ont pu, selon les constatations du protocole de suivi des herbiers, se développer ré- cemment autour des dispositifs immergés, alors qu’il ne résulte de l’instruction ni que le maintien de ces amé- nagements dans le périmètre de la réserve naturelle serait susceptible d’emporter des conséquences négatives sur l’environnement, ni que leur retrait aurait un impact positif.

TA Grenoble, 17 oct. 2017, n° 1407103

CAA Lyon, 23 oct. 2018, n° 17LY04341

Illégalité d’un plan de gestion

Le plan de gestion de la réserve naturelle de l’estuaire de la Seine a été annulé au motif que plusieurs de ses prescriptions allaient à l’encontre du décret de création : modalités de chargement en UGB sans précision des conditions d’utilisation ; modalités de pâture (chargement de 2,5 UGB dans certaines zones) et de fauche (dès le 1er juillet) incompatibles avec la préservation des habitats ; travaux d’entretien et de restauration de gabions fixés pendant la période de nidification d’espèces d’oiseaux protégées ; exondation trop précoce des zones de nidification de nature à faire échec au processus de reproduction des espèces d’oiseaux protégées ; autorisation de la pratique de la chasse sur 75 % du territoire alors que le décret prévoit une réduction et une maîtrise de la chasse compatible avec la vocation de préservation de l’avifaune de la réserve.

En l’espèce, le prononcé de l’annulation de l’arrêté est repoussé de six mois à compter de la date de l’arrêt d’appel, afin de permettre l’approbation d’un nouveau plan de gestion.

On notera que le juge d’appel a globalement confirmé la censure des premiers juges, à quelques nuances près. Le juge estime notamment qu’un cahier des charges au contenu partiellement illégal n’a pas à faire l’objet d’une annulation totale.

TA Rouen, 22 mai 2012, n° 1001043

CAA Douai, 17 janv. 2013, n° 12DA01107

Toujours à propos de la réserve de l’estuaire de la Seine, le juge a annulé certaines dispositions du plan de ges- tion permettant la réalisation de travaux sur les mares à usage cynégétique et la fauche des roselières durant la période de nidification des oiseaux. En revanche, il a considéré comme compatibles avec le décret de création de la réserve, les dispositions du cahier des charges relatives à l’exploitation agricole des prairies dans la réserve du troisième plan de gestion qui prévoient d’interdire la fertilisation sur les prairies subhalophiles et les prairies en rive sud en limitant l’utilisation d’intrants dans les autres secteurs à la fertilisation minérale dans des pro- portions fixées par arrêté du préfet en ce qui concerne respectivement les « prairies pâturées » et les « prairies uniquement fauchées ».

TA Rouen, 2 juin 2015, n° 1302645

CAA Douai, 28 sept. 2017, n° 15DA01292

Page mise à jour le 30/08/2023
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